Maman était une grande pédagogue.
Texte lu lors des obsèques de Madame Persat
Je me souviens ces soirées où tu travaillais tard, à préparer ta classe du lendemain.
Je me souviens de tes marionnettes, oh bien sûr il y avait le loup ou le mouton, le lapin et la princesse mais aussi ces marionnettes extraordinaires que tu faisais inventer aux enfants pour représenter le vent ou d’autres éléments de la nature.
Je me souviens que tu faisais faire aux enfants des dessins abstraits pour qu’ils comprennent ces notions abstraites que tu leur apprenais : « Dessinez la gentillesse, le courage, la colère, la peur… » et tu devais consoler l’enfant qui avait si bien représenté la peur qu’il n’osait plus regarder son propre dessin !
Je me souviens d’un lundi matin ou tu mettais un papier blanc au mur tout autour de la classe, et donnais de la peinture aux enfants en leur disant nous allons dessiner une histoire sans savoir ce qui allait se passer.
Et tu mettais le plus turbulent sur une estrade et tu lui disais allez raconte l’histoire.
« Mais quelle histoire ? » « Celle que tu veux. »
Comme une petite fille avait mis du bleu sur le papier il commençait :
« C’était un pays où il y avait une rivière »,
alors chacun d’ajouter du bleu pour que la rivière fasse le tour de la classe, mais un autre enfant avait dessiné un mouton,
« ...un jour un mouton est venu boire à la rivière »
et toute la classe se mettait à dessiner toutes sortes d’animaux venant boire à la rivière. Le cheval, la tortue, le hérisson, l’oiseau , etc…
Mais l’un d’eux a dessiné un loup
« Mais le loup va manger le mouton ! »
Alors la solution fut trouvée on a dessiné une barrière entre le loup et le mouton.
« Mais si tous les animaux viennent boire il n’y aura plus d’eau ! »
Pas de problème un enfant trouve la solution et dessine un robinet pour remplir la rivière…
Et ainsi tout un monde se construit sous les pinceaux maladroits des enfants.
A partir de là, tout au long de la semaine elle pouvait expliquer
- la biologie, les animaux prédateurs ou proies,
- la géographie, l’eau vient de montagnes et va à la mer
- le cycle de l’eau : les nuages et la météorologie,
- D’où vient l’eau dans la ville,
- les mathématiques, compter les animaux,
- les volumes mesurer la quantité d’eau, faire les soustractions de l’eau bue,
- ce qui flotte ou pas, les mesures de poids : les balances,
- l’écriture : comment on écrit les noms des animaux,
et même le turbulent, rejeté car il qui gênait tout le monde avait trouvé son rôle d’orateur, donnant un sens au jeu collectif.
Je me souviens des fêtes de noël, ce moment clé car il fallait trouver l’argent nécessaire pour acheter tout le matériel. Chaque année cet évènement capital se faisait avec des bouts de ficèles et du papier journal, toujours avec un objectif pédagogique. Le spectacle des institutrices, madame Vidal, madame Tronchon et ma mère n’était jamais raté, et les parents souvent généreux venaient aider et donner.
Résultat quand j’ai quitté la maternelle je savais déjà lire, écrire, pas que mon nom mais toute une histoire, compter, résoudre des petits problèmes, mais aussi coudre, dessiner, bricoler, chanter…
Elle m’a appris à vivre et à tout essayer…
Dans la nouvelle école au milieu de barres HLM existait une cours de récréation avec un arbre mort au milieu seule maigre source de vie que la mairie voulait couper pour raison de sécurité. Alors tous les matins maman rassemblait les enfants autour de l’arbre et en le serrant très fort leur faisait chanter « arbre, arbre, réveilles-toi c’est bientôt le printemps». Et bien sachez le l’arbre a finalement fait des bourgeons et a reverdit !
Ainsi était la pédagogie de ma Maman.
Oh rien n’est parfait car sa passion de la classe se traduisait par une cuisine plutôt sommaire, où j’ignorais même que le poivre pouvait exister.
Toute sa vie elle aura donné, je ne me rappelle pas qu’elle n’ait demandé quoi que ce soit pour elle-même.
Ma maman petite maman, merci…
Page écrite le 23/11/2020
