A Pierre Persat
Texte lu par ses enfants lors de ses obsèques.
Voilà une vie bien remplie qui se termine comme cela doit être.
Maman, tu as eu tant de bons moments avec Papa et avec nous que tu ne peux pas être triste.
Tu sais que Papa s'est battu comme toujours et qu'à 93 ans il n'est pas injuste qu'il nous quitte.
Papa et toi avez toujours eu un extraordinaire amour de la littérature et de la poésie en particulier. Votre complicité était un grand réconfort moral. Un jour, lors d'un voyage en voiture, j'avais lancé un jeu ou chacun de vous devait à tour de rôle, réciter le début d'un poème... ce ne fut qu'enchainement de textes avec rires et disputes sur la bonne rime et le nombre de pieds des rares vers mal maîtrisés. Le temps du voyage est passé sans nous peser.
Papa s'est toujours interrogé sur l'être humain, son histoire, ses civilisations et plus globalement sur le sens de la vie. Passionné par les progrès de la science, il était certain de la conjonction de la science et de la religion. Pas les religions inventées par l'homme, mais celle mettant en avant un projet bien plus vaste que la présence de l'homme sur terre, intégrant toutes nos connaissances scientifiques et toutes nos religions humaines.
Il était certain qu'il y avait une explication à tout cela, et certain que la vie, par l'intelligence qu'elle a donné à l'homme, lui permettrait de le découvrir, s'il ne se détruisait pas avant par bêtise. Et, même dans ce cas, la vie aurait le dessus, ailleurs, avec d'autres êtres doués du sens de l'observation, du raisonnement et de l'intuition telle que peut le faire l'homme.
Papa profitait de ses courses en montagne, pour réfléchir et observer la terre et le ciel, seul devant l'immensité et la beauté qui se présentaient à lui, à faire des efforts de patience, de régularité et de raison pour ne jamais aller trop loin, cherchant à rester maître de la situation, et toujours avancer, monter vers son but.
Ces sorties en montagne étaient l'égal de sa constante volonté d'écrire pour assembler petit à petit les idées et certitudes qu'il élaborait. Sa démarche, il en était autant victime qu'acteur, car il ne pouvait faire autrement et il en subissait les conséquences, par la difficulté à communiquer avec sa proche famille. Victime, il l'était aussi par sa rigueur de raisonnement, démontant les contestations qui lui étaient soumises alors même qu'il en réclamait.
Il laisse de nombreux écrits : romans, essais, poèmes, lettres, cahiers de vacances, et beaucoup de traces de ses courses en montagne notées dans leurs livres par les gardiens de refuges.
Maman, tu es la clé de voute de la famille maintenant, tu dois nous montrer le chemin et continuer, à émerveiller les enfants, petits enfants et arrières petits enfants, à toujours les éveiller aux beautés de la vie comme tu as toujours su et aimer le faire.
Papa m'avait demandé, dernièrement, ce que tu allais devenir après lui. Je l'avais rassuré en lui disant que tu étais encore bien vaillante et que rien n'allait changer.
On reste près de toi Maman et on a besoin de toi.
Adieu Papa.
Quelques lignes de
Terre des Hommes de Saint Exupéry
Quand nous prendrons conscience de nôtre rôle, même le plus effacé, alors seulement nous pourrons vivre et mourir en paix, car ce qui donne un sens à la vie, donne un sens à la mort.
Elle est si douce quand elle est dans l'ordre des choses, quand le vieux paysan de Provence, au terme de son règne remet en dépôt à ses fils, son lot de chèvres et d'oliviers, afin qu'ils le transmettent à leur tour, aux fils de ses fils.
On ne meurt qu'à demi dans une lignée paysanne. Chaque existence craque à son tour comme une cosse et livre ses graines.
Quelques lignes en conclusion du livre
A la recherche d'une vérité
De Pierre Persat, écrit en 1967
Quand à moi, simple citoyen, s'il m'était donné de connaître toutes les sciences des hommes, de vivre tous les âges et de parcourir tous les cieux, au retour sans rien rejeté de ma moisson de découvertes et de mes espérances, je sais bien ce que je ferais.
J'irais me réfugier dans un petit village de Judée, la nuit de Noël et je me glisserais sans bruit parmi les bergers qui contemplent en souriant un nouveau-né dans sa crèche.
